Tester des fonctions dans l’espace urbain
Le Quartier Européen de Bruxelles est connu pour ses Institutions Européennes, sa densité de sièges sociaux, ses ONG, et ses cafés branchés cosmopolites. Véritable pôle économique de la capitale, le quartier conserve une image d’un univers très professionnel ; en dehors d’une activité liée aux institutions ou au networking, on s’y rend peu pour s’y distraire ou se détendre, malgré le potentiel du quartier avec ses nombreux espaces verts et sa diversité culturelle. Là se trouve la volonté de l’asbl eQuama créée en 2009 : faire en sorte que les Bruxellois puissent s'approprier le quartier au gré de leurs activités diverses, et garantir une certaine convivialité et une bonne accessibilité de l’espace public du Quartier Européen.
eQuama fait alors appel à l’agence de design Vraiment Vraiment, pour tenter de comprendre quels sont les leviers d’action pour tendre vers cette réappropriation. Repenser un quartier, un espace public, un territoire urbain, peut à priori passer par de grands travaux de réaménagement, de nouvelles constructions, un nouveau plan de circulation...Mais avant de tout refaire, il est aussi nécessaire de tester, à plus petite échelle, quels sont les usages et les fonctions désirables pour les habitants et usagers du quartier. Il s’agit avant tout de révéler un potentiel, de proposer de nouvelles façons de vivre et d’utiliser l’espace. Pour explorer cela, une zone entre la Place Jean Rey et le Parc Léopold est identifiée comme étant un terrain propice pour un prototype à échelle 1.
En observant les comportements des usagers et leur façon d’utiliser l’espace, l’équipe de designers sur le terrain perçoit alors ce qui semblent être les fonctions dominantes, mais aussi manquantes, et quels pourraient alors être les éléments mis en valeur ou accentués, pour faciliter une appropriation de l’espace.
La conception d’un mobilier modulable dans une esthétique forte, va alors venir s’intégrer sur le site de prototypage. L’idée est d’avoir un objet facilement identifiable, presque à la façon d’un totem, que les usagers puissent reconnaître comme étant appropriable librement, sans que celui-ci n’impose de fonction particulière.
En 2017 un ensemble de bancs et de tables, ainsi qu’un barbecue public, viennent serpenter tout le long de la Place Jean Rey. Des événements culinaires, marchés, food markets, barbecues entre collègues et amis s’organisent tout au long de l’année. Au départ avec le soutien de l’équipe projet et de l’asbl eQuama, puis, de façon de plus en plus autonome ; les usagers du quartier s’approprient le principe, et donc le mobilier et l’espace qui va avec. La Place Jean Rey devient un lieu de rendez-vous, pour tout le monde.
En 2019, c’est un immense gradin qui vient s’installer au milieu de la grande pelouse du Parc Léopold, entre le Lycée Jacqmain et la Maison de l’Histoire Européenne. À la fois estrade, gradin, assise, transat, ou même aire de jeux, le mobilier permet par sa taille une appropriation spontanée. Sa forme ondulée et originale ne le fige dans aucun usage et peut alors laisser libre cours à l’imagination des usagers.
En observant les usages faits de ces mobiliers l’on perçoit alors de nombreuses fonctions rendues possibles, et inspirantes pour le reste de la programmation du quartier.
Les groupes de touristes ont un lieu pour se retrouver entre deux visites et écouter leurs guides. Les profs de sport du lycée ont un espace pour donner leurs consignes avant la course dans le parc. Les étudiants un espace pour déjeuner, jouer, ou se retrouver après les cours. Les parents un lieu pour s’installer tout en laissant leur enfant jouer à proximité. Ses enseignements, rendus possibles grâce à l’installation des mobiliers, permettent à la fois de progressivement construire une véritable réappropriation spontanée et conviviale du quartier, mais aussi de mieux comprendre les fonctions qui lui sont liées, et ce qu’attendent réellement ses usagers d’un tel espace public.